Arboristes Mag - Numéro 5

L’arbre visé étant couronné de plus de 20 mètres de branches mortes et autant de pseudoviseurs, une bonne visibilité était es- sentielle à l’opération, sans compter la nécessité de surveiller le chemin emprunté par la corde et la flèche. La communication entre l’équipe restée au sol (moi) et les grim- peurs en poste dans chaque arbre était bonne. Nous avions des radios, la vue était dégagée au-dessus des arbres de sous-cano- pée qui ne mesuraient que 60 mètres de haut (seulement !), et les signaux vocaux s’entendaient aisément. Comme toujours, le silence est de mise dès que l’ordre de tir retentit : avec un carreau évoluant à une vitesse de 70 mètres par seconde, il s’agit d'une mesure essentielle de sécurité. Tout le monde tend alors l'oreille pour repérer les sons émis par le projectile. Nous essayons de suivre sa trajectoire à mesure que le fil se déroule de la bobine dans un sifflement strident. Nous devons être en mesure d’en- tendre le bruit du carreau qui atteint sa cible et commence à re- descendre parmi les branches de l’arbre. Sa traversée ne dure qu’une seconde et demie. La flèche s’éloi- gnant directement du tireur, elle ne devient plus qu’un point blanc dans l’air, suivi d’une spirale de fil de pêche se déroulant à toute vitesse. Lorsque le carreau perd en vélocité, il pointe vers le bas et passe par-dessus la branche ciblée, donnant une visibi- lité totale sur ses 80 centimètres de long effectuant la descente. C’est à ce moment que l'on peut évaluer la précision du tir. Trois de nos grimpeurs ont passé deux nuits dans le confort de leurs hamacs suspendus depuis la corde connectant les deux arbres. C’était la première fois que Chris manipulait une arba- lète, d’autant plus dans un arbre, mais un seul tir a été suffisant. L’équipe en charge de la réception du carreau a pu le récupérer et choisir une fourche solide pour ancrer le centre de la corde ten- due sur plus de 180 mètres entre les deux Séquoias. Les grimpeurs ont retiré la flèche et fixé une corde de lancer longue de deux fois la taille du fil ayant servi à lancer le carreau. Chris était en charge de bobiner le moulinet pour récupérer sa « proie ». Le soleil s’était couché une fois le fil de lancer détaché du fil de pêche, et nous étions enfin prêts à étendre la corde connectant les deux arbres. Pour ce faire, nous avons choisi un tir à l’horizontale en trois étapes : fil de pêche, fil de lancer, puis corde d’accès. Il a fallu tirer chaque corde sur plus de 120 mètres. Pour chaque étape, il a fallu s’assurer que la corde soit enroulée autour du moulinet ou dans des sacs à dos pour éviter des accrocs qui auraient mis fin au processus. Pour ce type d’opération avec corde en double, il est crucial que chaque extrémité de la corde atteigne le sol. Nous avons dû installer deux cordes parallèles en raison de la distance séparant les deux arbres et du poids des trois grimpeurs munis de leur équipement de couchage. Dans le noir, il m’a été très difficile de déterminer le centre de la corde depuis le sol, puis de le marquer afin que les grimpeurs en hauteur puissent s’assurer que leur poids sera bien maintenu sur chaque moitié des cordes parallèles. Crédit photo : Chris HENKEL Crédit photo : Chris HENKEL Ascension 54 Mag

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